mercredi 27 juillet 2016

La mobilisation des sources extérieures au service de l’interprétation du droit à la liberté d’expression dans la jurisprudence africaine El uso de las fuentes externas al servicio de la interpretación del derecho a la libertad de expresión en la jurisprudencia africana



(Colloque international du Tribunal constitutionnel d'Andorre
7,8 et 9 juillet 2016
LES DEFIS DE L'INTERPRETATION ET DE L'APPLICATION DES DROITS : de l'ouverture au dialogue)

I. Introduction. I. Le recours aux précédents « étrangers » : facteurs déterminants et modèles A. Facteurs déterminants. B. Les modèles II. La Commission africaine : une jurisprudence initialement introvertie mais récemment et progressivement libre-échangiste. A. Une primauté des principes sur la référence externe expresse. B. Une interprétation par introvertion. C. Une nouvelle ère marquée par la libre commerce. III. La Cour africaine : d’une sobriété initiale à un libre-échangisme subséquent. A. Norbert Zongo ou l’expression d’une jurisprudence initialement timorée. B. Konaté ou la pleine expression du libre-échangisme. IV. Le recours aux précédents comme une pratique habituelle générale de la Cour.
I. Introducción. I. El uso de los precedentes extranjeros : factores determinantes y modelos. A. Factores determinantes. B. Modelos. II. La Comisión africana : una jurisprudencia inicialmente introvertidas pero recientemente y progresivamente abierta. A. Una primacía de los principios sobre la referencia externa expresa. B. Una interpretación por auto-referencia C. Una era reciente marcada por el libre comercio judicial. III. La Corte africana : de una rareza inicial a un libre comercio judicial importante. A. El asunto Norbert Zongo o la expresión de una jurisprudencia inicial tímida. B. El asunto Konaté o la plena expresión del libre comercio judicial. IV. El recurso a los precedentes extranjeros como una práctica habitual general de la Corte.

Resumen en español
Después de haber presentado los elementos teóricos básicos del uso del derecho externo en materia de justicia – lo que llamó los elementos determinantes y los modelos – el autor enmarcar su estudio en el análisis de las jurisprudencias de la Comisión y de la Corte africanas teniendo en cuenta la libertad de expresión tal como protegida en el artículo 9§2 de la Carta africana.
El análisis jurisprudencial relativo a la jurisprudencia de la Comisión demuestra que durante mucho tiempo, el órgano cuasi-judicial ha preferido auto-citarse aunque existiera una jurisprudencia internacional (en especial europea) ya bien consolidada. Es únicamente bastante recientemente que la Comisión africana empezó a mirar “afuera” : el autor ilustra esta nueva tendencia analizando dos casos, uno de 2008 contra el gobierno de Zimbabwe, otro de 2015 contra el gobierno de Rwanda.
En lo que concierne la jurisprudencia de la Corte africana como tal, el análisis demuestra que es una tendencia fuerte la de usar precedentes extranjeros, entre los cuales la jurisprudencia europea y interamericana aparecen como predominantes.

En prélude à une réflexion sur la liberté d’expression, on ne peut éviter de se se référer à cette affirmation de Blaise Pascal dans ses Pensées : « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant »[2]. Qualifiant pour sa part, cette liberté de « liberté majeure », Jean Morange soutient que « l’homme étant un animal pensant, les mouvements de sa pensée ne doivent pas plus être entravés que ceux de son corps »[3]. Adoptant une approche plus impérative Laurienne Josende observe : « Etre libre de s’exprimer, c’est être libre de vivre »[4].
C’est donc à juste titre que la liberté d’expression a fait l’objet d’une adhésion universelle comme en témoigne sa consécration unanime aussi bien par les textes fodateurs de droits de l’homme[5], par les constitutions nationales[6] ainsi que par les conventions internationales universelles[7] et régionales[8]. Cependant, de la consécration normative à la jouissance effective, il y a un pas déterminant qu’il ressort du rôle du juge d’aider à franchir. A cet égard, le juge européen des droits de l’homme a acquis une notoriété grâce à ses arrêts de principe allant de la liberté des médias à la protection de l’intérêt général.[9]
Dans le système africain des droits de l’homme, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples s’est prononcée abondamment sur le droit de « s’exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements » tel que garanti par les dispositions de l’article 9§2 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après la Charte africaine) de 1981. Créée en 2006 pour renforcer le mandat de protection de la Commission africaine, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a, elle également, déjà fait œuvre jurisprudentielle dans deux affaires d’intérêt continental, dont notamment les affaires Ayants droits de feus Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso[10] et Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso[11].
Considérant l’état bien souvent dépeint comme peu élogieux de la liberté d’expression dans la plupart des Etats parties à la Charte africaine, ces décisions sont susceptibles d’être à l’origine de nouvelles réformes juridiques, notamment concernant la dépénalisation des délits de presse. Il paraît par conséquent d’un intérêt pédagogique mais aussi pratique d’examiner le fondement jurisprudentiel des décisions concernées et d’évaluer la mesure dans laquelle l’interprétation de la liberté d’expression par le juge africain des droits de l’homme s’inspire de la jurisprudence internationale établie en la matière.
La présente réflexion présente un aperçu du bien-fondé et des modèles du recours aux précédents dans l’œuvre jurisprudentielle des juridictions (I). De la revue jurisprudentielle analytique et critique qui est ensuite proposée, il ressort que la Commission africaine a pris une tendance plutôt constamment introvertie (II) comparée à une Cour africaine adoptant une approche évolutive, entre sobriété initiale et un certain « libre-échangisme » subséquent (III).
I. Le recours aux précédents « étrangers » : facteurs déterminants et modèles
A titre de préalable, il est utile d’expliquer l’usage fait dans la présente contribution de la terminologie de « précédents étrangers ». Dans la perspective juridique et judiciaire, il est dit d’une norme, texte de loi ou décision de justice, qu’elle est étrangère lorsqu’elle est générée dans l’ordre juridique interne d’un autre Etat.[12] Toutefois, le caractère externe de la norme étant le facteur clé, la terminologie de « norme étrangère » pourrait être étendue par analogie à toute loi ou décision de justice provenant d’un ordre différent de celui dans lequel opère le juge qui importe la norme. La présente contribution utilise cette dernière acception sous le vocable de « précédent étranger ».
A.    Les facteurs déterminants
Ce préalable fait, le caractère impératif ou non du recours aux précédents est largement connu comme inhérent aux systèmes ou traditions juridiques. Il est ainsi généralement admis qu’alors que les juridictions de common law adoptent strictement les précédents par le concept du stare decisis, les juges de droit civil ne sont pas liés par la jurisprudence antérieure même s’il elle peut être constante. En effet, le revirement de jurisprudence est bien de tradition et largement de pratique romano-germanique[13]. Ceci dit, les études empiriques montrent que le recours à la jurisprudence dépasse le seul déterminant des traditions juridiques.
Les facteurs supplémentaires incluent le contexte et les acteurs mais également les tendances à embrasser ou rejeter les précédents étrangers. En ce qui concerne le contexte et les acteurs, un exemple saisissant est tout de même celui de l’Afrique du Sud. En comparaison à la situation antérieure, il a été noté une diminution significative du recours aux précédents étrangers par la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud au cours de l’année 2010. Cet état de choses s’est expliqué par la nomination de juges moins ouverts à la comparaison, alors même que la Constitution d’Afrique du Sud autorise et encourage le juge interne à un tel recours[14].
S’agissant des tendances, les auteurs identifient :
1 - une « position isolationniste » : elle est fondée sur le postulat que la légitimité et l’autorité des précédents étrangers doivent être discutées pour protéger l’ordre juridique interne. Dans cette posture dite « par introversion », la question que se pose le juge et qui importe est « pourquoi citer des sources étrangères si l’on a ses propres sources ? »[15].
Cette tendance est traditionnellement illustrée par les Etats-Unis et est aussi connue sous le vocable « d’idéologie statique »[16]. Des études empiriques ont pu conclure que, de manière très notable, jusqu’en 2013, le Conseil constitutionnel Français et la Cour constitutionnelle de Belgique n’avaient jamais eu recours à un précédent étranger et que leur consœur du Japon ne l’avait fait qu’une seule fois entre 1947 et 2013[17].  On note également qu’une juridiction de tradition juridique de droit civil comme l’Argentine cite fréquemment les précédents étrangers.[18]
2 - Il y a ensuite la tendance dite « libre-échangiste » où la fluidité des échanges de précédents est littéralement qualifiée de commerce. Le Juge Canivet s’y réfère d’ailleurs comme une « bénévolance des juges »[19]. La tendance libre-échangiste, illustrée par le Canada, est également qualifiée de « dynamique »[20].
3 - Enfin, il y a une tendance dénommée « dirigiste » par laquelle la référence aux précédents est prévue par des mécanismes institutionnels voire obligatoires. Le mécanisme du renvoi préjudiciel de la Cour de justice de l’Union européenne et l’impact de la fonction consultative de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIADH) sont souvent cités comme illustrant cette tendance. Au demeurant, les auteurs ont également pu insister sur ce qu’en dépit de l’importance relativement significative ou non des autres facteurs, les valeurs juridiques et historiques continuent de jouer un rôle central dans le recours aux précédents étrangers. L’une des raisons fréquemment évoquées contre un tel recours est d’ailleurs la différence des valeurs juridiques et historiques entre les deux juridictions importatrice et originaire[21]. On note ainsi que les juridictions de common law entretiennent le « commerce » de précédents entre elles, à l’exception frappante du Canada à laquelle il est fait allusions ultérieurement[22].
Ce qui pousse le juge à recourir à un précédent étranger à son espace et à son ordre juridique, c’est bien évidemment aussi le caractère significatif du précédent importé. L’adjudicateur recherche ainsi le précédent « le plus apte à remplir sa vocation justificatrice dans l’élaboration de la décision » mettant par conséquent l’accent davantage sur l’opportunité que sur la légitimité de l’importation[23]. L’autorité des précédents peut au demeurant procéder de leurs caractères informatif, persuasif ou contraignant. Les commentateurs ont pu conclure que le caractère persuasif de l’élément importé renseigne fortement sur la fréquence et la constance du recours[24].
Il n’est dès lors pas surprenant que le commerce horizontal national de précédents positionne les Etats-Unis, le Canada, l’Afrique du Sud et l’Allemagne comme les juridictions les plus citées ; alors qu’à l’horizontale ou à la verticale internationale, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et la CIADH sont en pole position[25]. De manière remarquable, il y a un entrain soutenu de la Cour africaine, de la Cour de justice d’Afrique de l’Est et du Tribunal de la SADC à citer les précédents de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. La tendance est bien moins franche chez les juges de la Cour de justice de la CEDEAO.[26]
B.    Les modèles
Une discussion des modèles de recours aux précédents étrangers implique nécessairement un examen des fonctions d’un tel recours. Il en est ainsi puisque les fonctions déterminent le choix des modes d’expression de cette pratique.
Le qualifiant d’importation, de réception, de dialogue ou même de commerce[27], les auteurs identifient le recours : soit comme un point de repère, soit pour conforter la solution retenue ou encore par usage a contrario, c’est-à-dire pour démontrer le caractère singulier de la norme interne.
1 - Le modèle du point de repère : le recours aux précédents étrangers apparaît comme une source d’inspiration tout en servant à relever le niveau de conscience qu’a le juge interne de l’existence desdits précédents. C’est aussi le modèle dit argumentatif, notamment illustré par la pratique de la CEDH et dont la logique est de justifier l’existence d’une pratique internationale commune[28]. La CIADH adopte le même modèle à des fins de persuasion, d’autorité et de légitimité[29]. Hourquebie y renvoie comme à un « outil de légitimation ».[30] Le recours par la CEDH et la CIADH à leurs précédents respectifs mais davantage de la seconde vers la première est expliqué par ce besoin de persuasion et d’autorité. La même tendance est adoptée par la Cour suprême des Etats-Unis lorsqu’elle cherche à appuyer sa décision sur un consensus international[31].
Le recours par raisonnement abstrait et déductif pourrait être considéré comme un sous-modèle de l’approche par point de repère. Cette version du recours au précédent est largement utilisée par les juridictions de droit civil à la notable exception du Canada qui semble recevoir une forte influence du modèle américain. Une telle approche est également connue sous la dénomination de « recours indirect ».[32]
2 – Le modèle de l’usage pour confrontation à la solution retenue : la démarche du juge consiste à intégrer le précédent importé dans le raisonnement final qui le conduit à déterminer sa propre décision. Elle est aussi identifiée comme « recours direct »[33].
3 – Le modèle a contrario : le juge utilise un précédent étranger bien éloigné de la tendance jurisprudentielle domestique pour démontrer à quel point les deux mondes jurisprudentiels sont aux antipodes.[34]

II. La Commission africaine : une jurisprudence initialement introvertie mais récemment et progressivement libre-échangiste
Un examen par les facteurs présentés supra font classer la Commission dans la catégorie des importateurs indirects (A), ce qui induit sans surprise un comportement d’adjudicatrice isolationniste et statique (B) semblant cependant s’ouvrir récemment sur une ère de libre commerce (C). Ces tendances sont discutées en ce qui concerne la jurisprudence de la Commission concernant la liberté d’expression, telle que protégée aux termes des dispositions de l’article 9§2 de la Charte africaine.
A.    Une primauté des principes sur la référence expresse
Aux termes des dispositions de l’article 9§2 de la Charte africaine, « Toute personne a le droit d’exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements ».
Lorsqu’il s’agit du mode de recours aux précédents étrangers dans la résolution du contentieux procédant des allégations de violation de la liberté d’expression, on constate que la Commission fait primer le recours aux principes sur la référence expresse aux décisions rendues par d’autres juridictions. Sa décision dans l’affaire Media Rights Agenda et autres c/ Nigéria[35] est typique de la tendance d’importation indirecte. En interprétant la liberté d’expression aux termes de la Charte, on voit ainsi la Commission dire dans cette affaire que « la liberté d’expression est un droit humain fondamental vital au développement personnel de l’individu, à sa conscience politique et à sa participation dans la conduite des affaires publiques de son pays ».[36]
Dans la même affaire, la Commission avait conclu que le fait, pour le gouvernement de l’Etat défendeur, de prévoir des frais de pré-enregistrement et d’enregistrement ne violait pas la liberté d’expression tant que lesdits frais n’étaient pas excessifs, en tant qu’ils ne dépassaient pas le minimum nécessaire afin de couvrir les dépenses administratives d’enregistrement et de garantir les pénalités ou dommages et intérêt contre les propriétaires, imprimeurs ou éditeurs du journal. En l’espèce, la Commission a considéré que les frais imposés étaient élevés mais pas excessifs et qu’il n’y avait donc pas violation de l’article 9§2 de la Charte[37].
En revanche, elle est d’avis que la discrétion absolue du gouvernement d’interdire la publication de tout journal se résout en une censure qui viole la liberté d’expression[38].
Sur le moyen avancé par l’Etat défendeur du caractère critique des publications concernées, la Commission répond que la saisie de journaux critiques envers le gouvernement viole la liberté d’expression en ce que les personnalités publiques devraient être sujettes à un degré de critique plus élevé que le citoyen lambda ; que la limitation autorisée par la Charte devant être conforme aux dispositions de l’article 27§2, la saisie avant parution de 50 000 copies d’un magazine critiquant le gouvernement ne saurait être justifiée par le seul fait que la publication soit insultante envers le chef de l’Etat à moins de démontrer que le droit d’autrui, la sécurité collective, la morale et l’intérêt commun sont menacés ; qu’en tout état de cause, une simple action en diffamation aurait été plus appropriée que la saisie[39].
Les commentateurs avertis de la jurisprudence internationale devraient remarquer sans difficulté que la Commission a bien dit le droit en ce qu’elle a fait usage des grands principes dégagés par la jurisprudence concernant en l’occurrence les formalités, les restrictions ou les sanctions gouvernant la jouissance de la liberté d’expression. Notamment sur la question des restrictions, et pour faire œuvre de « bénévolence » ou de « libre-échangisme », on peut se rapporter à la jurisprudence de la CEDH dans l’affaire Sunday Times (2) c/ Royaume-Uni (1991). En l’espèce, la Cour avait estimé que « l’article 10 de la Convention – donc la liberté d’expression – n’interdit pas en lui-même toute restriction préalable à la publication […]. De telles restrictions présentent pourtant de si grands dangers qu’elles appellent de la part de la Cour l’examen le plus scrupuleux. Il en va spécialement ainsi dans le cas de la presse : l’information est un bien périssable et en retarder la publication, même pour une brève période, risque fort de la priver de toute valeur et de tout intérêt »[40].
L’observation cruciale qu’impose l’analyse du comportement de la Commission est cependant qu’elle ne fait référence ni à ces précédents de la CEDH pourtant d’une pertinence indiscutable, ni à aucun autre précédent national ou international. Au surplus et en toute logique d’une politique jurisprudentielle par principe et non par référence, la Commission adopte une posture introvertie, se citant elle-même par occasion.
B.    Une interprétation largement par introversion
Il apparaît qu’en interprétant la liberté d’expression, la Commission procède largement par introversion. Lorsqu’elle ne procède pas par usage des principes, la Commission fait alors référence à ses propres précédents. Il n’y a pas de bémol à cette tendance même lorsqu’il s’agit de se prononcer sur les grands principes qui gouvernent la liberté d’expression.
A titre d’illustration, comme elle le fait dans l’affaire Constitutional Rights Project et autres c/ Nigeria[41], la Commission interprète la restriction « dans le cadre des lois » comme devant s’entendre non pas des seules lois nationales mais en outre du droit international. Elle conclut que l’interdiction ciblée de journaux en dehors de toute procédure légale viole la liberté d’expression[42]. Dans cette espèce, les principes discutés avaient déjà fait l’objet d’adjudication par la Cour européenne des droits de l’homme de nombreuses années avant les délibérations de la Commission africaine[43].
Ce qui attire l’attention, c’est que la Commission se cite systématiquement et exclusivement dans presque toutes les espèces dont elle connaît subséquemment à cette première décision dans l’affaire Constitutional Rights Project et autres c/ Nigeria. Ainsi, le même argumentaire de Constitutional Rights Project et autres c/ Nigeria est déployé dans la décision Article 19 c/ Erythrée où la Commission se cite expressément[44].
Les décisions dans la même catégorie incluent Amnesty International et autres c/ Soudan[45] où la Commission considère qu’un décret interdisant toute forme d’opposition politique au parti au pouvoir même pour des raisons de menace grave à la sécurité nationale viole l’esprit de l’article 9§2 lu conjointement avec l’article 27§2 de la Charte. Dans Zegveld et un autre c/ Erythrée,[46] l’arrestation et la détention pour des opinions critiques du gouvernement en l’absence de toute procédure judiciaire avaient alors été jugés comme violant la liberté d’expression[47]. La Commission se rapportait non seulement à ses décisions antérieures mais citait en outre abondamment sa Résolution sur l’adoption de la déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique[48].
,On peut citer encore l’affaire Ouko c/ Kenya : la liberté d’expression est la pierre angulaire de la démocratie et des autres libertés et toute restriction doit être prévue par la loi [49] ;  Egyptian Initiative for Personal Rights et Interights c/ Egypte (II) :  le fait pour les forces de sécurité d’attaquer et de molester des journalistes couvrant des manifestations soutenant la révision de la constitution, viole la liberté d’expression par défaut pour l’Etat de prouver qu’une telle restriction est : 1) prévue par la loi ; 2) sert un intérêt légitime et est nécessaire dans une société démocratique ; ou que dans l’exercice de leur droit, les plaignants menaçaient la sécurité nationale ou l’intérêt public[50]. Ces décisions n’étant que le condensé évolutif des précédents de la Commission sur la liberté d’expression, il n’est pas surprenant qu’elle se soit citée, s’étant forgé une opinion, du reste légitime, d’avoir fait œuvre jurisprudentielle sur la question au bout de plus d’une décennie d’adjudication.
  1. Une ère récente marquée par le libre commerce
Le libéralisme n’a voix au chapitre de l’introversion jurisprudentielle de la Commission qu’à une époque plutôt récente. Deux espèces rares mais scellant l’ouverture vers une tendance libre-échangiste viennent en appoint avec des décisions rendues respectivement en 2008 et 2015. La première décision a été rendue dans l’affaire Zimbabwe Lawyers for Human Rights and Another v Zimbabwe[51]. Dans cette affaire, la curiosité de la démarche jurisprudentielle de la Commission se révèle en deux temps.
D’une part, la Commission recourt aux dispositions de l’article 9§2 de la Charte, donc à la liberté d’expression, pour examiner la condition de recevabilité posée à l’article 56§3 de la Charte africaine. Pour rappel, aux termes de cette dernière disposition, les plaintes introduites par les individus doivent, pour être examinées, « [n]e pas contenir des termes outrageants ou insultants à l’égard de l’Etat mis en cause, de ses institutions ou de l’OUA ». En réponse au moyen de l’Etat défendeur tendant à faire déclarer irrecevable la communication[52] pour défaut de conformité à la condition posée à l’article 56§3, la Commission considère que « [L]es individus ne peuvent participer pleinement et de manière juste au fonctionnement de la société s’ils doivent vivre dans la peur d’être persécutés par les autorités pour l’exercice de leur liberté d’expression »[53].
S’embarquant dans un argumentaire substantiel presque caractéristique d’un examen sur le fond, la Commission cite alors un précédent étranger, notamment l’arrêt Ambard v A-G of Trinidad and Tobago[54] de la Cour suprême de Trinidad et Tobago relative à l’examen d’une question liée à la liberté d’expression et non au caractère outrageant d’une plainte. Dans l’extrait cité par la Commission, le juge suprême de Trinidad avait conclu que « [t]oute critique de bonne foi par un membre du public à l’endroit du système judiciaire ne constitue par une atteinte à l’autorité du juge ; la justice doit souffrir d’être critiquée ». Pour les habitués de la référence jurisprudentielle, c’est à tout le moins curieux pour une juridiction internationale des droits de l’homme de citer une juridiction nationale alors même que la jurisprudence des juridictions régionales et internationales des droits de l’homme abonde sur la question traitée.
Mais la curiosité de la démarche de la Commission s’étend, d’autre part, au recours qu’elle fait à une jurisprudence de substance pour résoudre une question de procédure à laquelle elle a déjà donné une réponse établie dans ses propres précédents. En effet, sur la question de savoir quelles plaintes contiennent des termes insultants ou outrageants, la Commission avait déjà conclu de manière constante que pour être considéré comme insultants, les termes visés devaient nécessairement tendre à : 1) discréditer les institutions concernées ; 2) saper leur intégrité ; ou 3) les tourner en dérision[55].
Dans les années récentes, cette tendance connaît, on pourrait dire fort heureusement, quelque dynamique. La décision inédite rendue par la Commission en 2015 dans l’affaire Agnès Uwimana-Nkusi et Saidata Mukabibibi c/ Rwanda[56] peut être citée comme emblématique de cette nouvelle ère. En examinant la recevabilité de l’affaire, la Commission reste fidèle à son statisme jurisprudentiel et se cite par conséquent en renvoyant à ses précédents dans les affaires Cudjoe c/ Ghana[57] et Good c/ Botswana[58], notamment pour conclure quant au caractère judiciaire nécessaire des recours internes à épuiser aux termes des dispositions de l’article 56§5 de la Charte.
C’est toutefois dans l’examen de la substance de l’affaire que l’on entrevoit la poussée libre-échangiste de la Commission lorsqu’elle cite par exemple la CEDH pour se prononcer sur la nécessité pour la partie poursuivante de faire la preuve du délit dans une procédure pénale. C’est vrai que la Commission ne manque pas de se citer au passage et au surplus. Au moment de procéder au test de légalité, de proportionnalité et de légitimité des restrictions autorisées à la liberté d’expression, la Commission cite en primeur la Cour africaine dans l’affaire Konaté c/ Burkina[59] à laquelle nous reviendrons plus tard sous la section consacrée à la jurisprudence de la Cour. La Commission estime, s’adossant aux conclusions du juge dans l’arrêt Konaté, que la « conformité à la loi » de la légalité du délit de diffamation tel que prévu aux termes des dispositions pertinentes du droit pénal Rwandais ne sera pas jugée à l’aune du droit national mais plutôt du droit international pertinent. La Commission cite alors sa Résolution sur l’adoption de la déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique et son précédent dans l’affaire Zimbabwe Lawyers for Human Rights citée supra. Afin d’affirmer que les actes, tels que le déni de génocide, ne peuvent être couverts par la liberté d’expression parce que susceptibles de menacer la sécurité et la cohésion nationale, la Commission cite plutôt la Cour européenne des droits de l’homme dans les affaires Garaudy c/ France et Hans-Jürgen c/ Allemagne.  On peut noter que la Commission ne cite pas la Cour africaine sur la question de la menace à la sécurité nationale alors même que la Cour s’y était prononcée dans l’arrêt Konaté pourtant citée par la Commission.

III. La Cour africaine : d’une sobriété initiale à un libre-échangisme subséquent
Relativement à la liberté d’expression, la Cour africaine ne s’est prononcée en tout que deux fois. Une première fois, elle a presque éludé l’examen de l’allégation de violation « des droits des journalistes » dans l’affaire Norbert Zongo et autres c/ Burkina Faso[60] où elle a affiché une certaine sobriété jurisprudentielle (A). En revanche, dans l’arrêt Konaté, la Cour ouvre largement les vannes aux précédents étrangers (B). Pour être exhaustif sur la tendance jurisprudentielle générale de la Cour quant au recours aux précédents, on devrait noter qu’elle est plutôt généralement « libre-échangiste » dans l’ère précédent ou suivant ses arrêts sur la liberté d’expression (C).
A.    L’arrêt Norbert Zongo ou l’expression d’une jurisprudence initialement timorée
Pour commencer par les questions procédurales, on note que la Cour fait référence à l’arrêt Civet c/ France[61] de la Cour européenne des droits de l’homme pour examiner la question de l’efficacité des recours internes dont l’épuisement est prescrit aux termes des dispositions de l’article 56§5 de la Charte[62]. Mais, pour le reste, la Cour examine l’entière question substantielle de la liberté d’expression sans la moindre référence jurisprudentielle.
Pour replacer la discussion dans le contexte de la cause, il convient de noter que les requérants avaient invoqué au principal, la violation de l’obligation faite aux Etats de « respecter les droits des journalistes » aux termes des dispositions de l’article 66§2.c) du Traité de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (ci-après CEDEAO)[63]. Au surplus, les requérants citaient les dispositions des articles 9§2 de la Charte africaine et 19§2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-après PIDCP) qui protègent explicitement la « liberté d’expression »[64]. Les requérants soutenaient leur allégation de violation de ces dispositions par un moyen en deux branches : 1) la violation alléguée du droit individuel à la liberté d’expression ; et 2) la violation alléguée du droit du public de recevoir cette information. Selon eux, il pesait sur l’Etat défendeur une double obligation non seulement se prémunir d’entraver ce droit, mais encore de le protéger dans le cadre de la circulation de l’information.[65]
Sans doute pour connecter à la Charte les dispositions expressément mises en avant par les requérants, soit celles de l’article 66§2.c) du Traité de la CEDEAO, la Cour commence par noter qu’il y a lieu de les lire conjointement avec celles de l’article 9§2 de la Charte[66]. Cependant, une fois ce préalable établit, la Cour écarte l’examen de la demande afférente à la liberté d’expression concernant Norbert Zongo pour défaut de compétence matérielle auquel elle avait déjà conclu dans son arrêt avant dire droit. Les compagnons – personnes physiques de Zongo – n’ayant pas la qualité de journalistes, la Cour leur a fait subir le même sort, du reste en tout bien fondé. Au terme de ces préalables procéduraux, la Cour retient l’ultime intérêt de la seule personne morale partie à la cause, c’est-à-dire le Mouvement Burkinabé des Droits de l’Homme et des Peuples (ci-après MBDHP).[67]
Alors que les parties et le lecteur s’attendent sans doute à un examen substantiel de la question cruciale de savoir si, dans quelle mesure et pourquoi la liberté d’expression n’a pas été respectée dans cette célèbre cause, la Cour s’en débarrasse au détour d’un petit paragraphe. Elle dit notamment être d’avis que « [D]ans ces conditions, … la défaillance de l’Etat défendeur dans la recherche et le jugement des assassins de Norbert Zongo a suscité des peurs et des inquiétudes dans les milieux des médias »[68]. En déployant ses motifs sur ce moyen, la Cour ne fait aucune référence aux précédents ni de la Commission, ni de la Cour  européenne, ni de la Cour interaméricaine alors même que les décisions pertinentes de ces organes foisonnent sur la question en délibération. Au demeurant, la Cour conclut à la seule violation par l’Etat défendeur des dispositions de l’article 9§2 de la Charte lu conjointement avec celles de l’article 66§2.c) du Traité de la CEDEAO « pour n’avoir pas, avec diligence et efficacité, recherché, poursuivi et jugé les assassins de Norbert Zongo ».[69]
Lorsqu’elle examine l’affaire en réparation, l’approche de la Cour est différente de la démarche qu’elle avait empruntée quant à l’examen au fond. Ainsi, pour établir la responsabilité internationale de l’Etat, elle cite la Cour permanente de justice internationale (CPJ) dans l’arrêt Usine de Chorzów[70]. Pour déterminer les bénéficiaires éligibles, la Cour ouvre grande les portes aux précédents en citant et en faisant référence en prélude à l’arrêt Cantoral-Benavides v. Peru[71] de la Cour interaméricaine des droits de l’homme puis à une abondante jurisprudence du Comité des droits de l’homme des Nations unies (ci-après le CDH), et des deux autres Cours régionales de protection des droits[72]. Si l’on peut justifier ce commerce jurisprudentiel prolifique par la nécessité pour la Cour de légitimer son prononcé précurseur sur la question des réparations, la liberté d’expression n’avait pas moins besoin de légitimation dans le prononcé sur le fond étant donné que Zongo était la première occasion pour la Cour d’interpréter les dispositions de l’article 9§2 de la Charte. Au passage, en examinant les mesures nécessaires pour éviter la répétition de la violation constatée, la Cour cite plusieurs décisions de la Commission entre autres celles rendues dans les affaires Gabriel Shumba c/ Zimbabwe[73] et Purohit et Moore c/ Gambie[74]. 
Le libéralisme du recours aux précédents dans l’affaire Zongo sur les réparations laisse penser que l’arrêt Konaté examiné dans la section suivante a impacté la politique de référence de la Cour.
B.    L’arrêt Konaté ou la pleine expression du libre-échangisme
L’affaire Konaté représente la deuxième opportunité pour la Cour se prononcer sur la liberté d’expression, seulement huit mois près l’arrêt Zongo. Alors que dans l’affaire Zongo, les requérants alléguaient le défaut de protection « des libertés des journalistes », Konaté attaque devant la Cour une série d’actes pris par l’Etat défendeur suite à la publication d’articles de presse critiquant le Procureur de la république, notamment : 12 mois de prison ferme, un million et demie de francs CFA d’amende, quatre millions de francs CFA et demie de dommages et intérêts, 250 000 mille francs CFA de dépens, la suspension de l’hebdomadaire concerné pour une durée de 6 mois et la publication du dispositif du jugement pendant quatre mois.
Tout comme dans l’affaire Zongo, Konaté allègue la violation des dispositions des articles 9 de la Charte, 19 du PIDCP et 66§2.c) du Traité de la CEDEAO. La Cour commence par se débarrasser des questions de forme en se référant à son propre précédent dans l’affaire Karata Ernest c/ Tanzanie[75] pour régler la question de la modification du titre d’une requête[76]. Une fois à l’étape de la recevabilité et se prononçant sur le caractère outrageants de la requête, la Cour renvoie à la jurisprudence de la Commission, notamment dans l’affaire Zimbabwe Lawyers for Human Rights citée supra[77]. Toutefois, pour déterminer l’efficacité des recours internes, elle se rapporte plutôt à l’affaire Zongo[78], ce qui devrait se justifier entre autres par l’identité du contexte juridique et judiciaire national, les deux causes ayant été introduites contre le même Etat, le Burkina Faso.
Dans l’examen des questions de fond liées à la jouissance de la liberté d’expression, la Cour ouvre large les vannes. Elle renvoie ainsi abondamment aux précédents de nombreux organes onusiens et régionaux des droits de l’homme : le Comité des droits de l’homme (interprétation de « loi » dans la restriction « dans le cadre de la loi » - la norme doit être suffisamment précise[79], la sévérité de la sanction ne doit pas entraver l’exercice du droit[80]) ; la Commission africaine (« dans le cadre de la loi » doit être entendu comme du droit international[81], la limitation doit poursuivre un but légitime[82], seules les limitations prévues à l’article 27§2 sont autorisées[83], la limitation doit être nécessaire et proportionnelle au but poursuivi,[84] la sévérité de la sanction ne doit pas entraver l’exercice du droit[85]) ; les jurisprudences européenne et interaméricaine (du caractère raisonnable du montant de l’amende et des dommages et intérêts à l’aune de la proportionnalité entre le moyen et le but poursuivi[86]).
Pour une raison qui devrait être élucidée à une autre occasion, la Cour renvoie aux précédents ainsi mentionnés sous la forme d’une revue jurisprudentielle avant d’en citer à nouveau des extraits dans son raisonnement un peu comme pour achever de renforcer la légitimité recherchée par cette référence abondante aux précédents « étrangers ». Elle procède ainsi, par exemple, pour conclure que le Procureur de la République étant un personnage public, il devrait être toléré à son égard un degré de critique plus élevé qu’en ce qui concerne un citoyen lambda[87]. En adoptant la position selon laquelle les lois sur la diffamation doivent constituer le dernier recours et seulement en cas de menace sérieuse sur la jouissance des autres droits, la Cour se réfère aux arrêts Lehideux c/ France[88] et Lyashko c/ Ukraine[89] de la CEDH.[90]
La Cour achève son raisonnement en concluant à « l’incompatibilité » des dispositions du droit interne attaquées avec les dispositions des articles 9 de la Charte et 19 du PIDCP. Elle ne conclut en revanche qu’à une violation subséquente des dispositions de l’article 66§2.c) du Traité de la CEDEAO sans présenter un argumentaire à cet égard.[91] A titre comparatif, dans l’affaire Zongo, la Cour avait conclu à la violation des dispositions du seul article 9§2 de la Charte lues conjointement avec celles de l’article 66§2. c) du Traité de la CEDEAO. Dans l’affaire Konaté, on peut par conséquent noter que la Cour étend sa compétence matérielle sur les dispositions du Traité de la CEDEAO, sans pour autant se prononcer sur le caractère de norme des droits de l’homme inhérent à certaines dispositions dudit Traité, en l’occurrence l’article 66§2.c).
Une fois cette jurisprudence de la Cour explorée sur la question spécifique de la liberté d’expression, il paraît appropriée et exhaustif de clore la discussion en notant que la tendance libérale de la Cour dans l’affaire Konaté ne relève pas tant de l’inédit. En effet, avant 2014, année au cours de laquelle est rendu l’arrêt Konaté, la Cour fait déjà largement œuvre de libéralisme dans l’emprunt aux sources jurisprudentielles externes.
IV. Le recours aux précédents comme une pratique habituelle générale de la Cour
D’une revue générale de la jurisprudence de la Cour, il appert qu’elle est une habituée du commerce jurisprudentiel, sans pour autant bouder le réflexe logique de consolider ses propres précédents autant que faire se peut. Dès 2012, on la voit ainsi citer son arrêt Yogogombaye c/ Sénégal[92] pour régler la question de sa compétence dans l’affaire Femi Falana c/ Union africaine[93]. L’année 2013, ne fait que confirmer la tendance dynamique de la Cour quant au recours aux précédents internes et étrangers. A titre d’illustration, en se prononçant sur la responsabilité du requérant s’agissant de la question de l’épuisement des recours internes et de la nature judiciaire desdits recours dans l’affaire Urban Mkandawire c/ Malawi[94], la Cour se cite[95], mais renvoie tout de même aux précédents de la Commission interaméricaine des droits de l’homme[96]. La même année, dans l’affaire Mitikila[97] relative aux candidatures indépendantes, elle renvoie à plus d’une dizaine de précédents de la Commission africaine, de la CIADH et de la CEDH pour examiner diverses questions y compris la nature judiciaire des recours internes dont l’épuisement est exigé pour qu’une requête soit admise[98], les critères d’évaluation des conditions d’autorisation ou non de candidatures indépendantes et la limitation à la jouissance des droits[99].
En 2014, le recours aux précédents, notamment étrangers, est solidement ancré dans la politique jurisprudentielle de la Cour. L’illustration en est faite par la référence à l’arrêt Mitikila dans l’affaire Frank David Omary c/ Tanzanie notamment dans l’examen de la nature judiciaire des recours internes[100]. Dans l’affaire Omary, la Cour cite des extraits de décisions de la Commission africaine[101] et la Cour interaméricaine des droits de l’homme avant de se citer elle-même.[102]

L’arrêt rendu par la Cour toujours en 2014, dans l’affaire Peter Joseph Chacha c/ Tanzanie[103] n’est qu’une preuve supplémentaire de ce que sa pratique du recours presque systématique aux précédents, notamment autres que les siens et ceux de la Commission africaine, n’est pas inaugurée par l’arrêt Konaté. Dans l’affaire Chacha, comme désormais de coutume, la Cour fait en effet référence aux décisions de la Commission africaine[104] et de la Cour interaméricaine[105].


***

En somme, ce tour d’horizon de la pratique du recours aux précédents impose quelques observations. D’abord, on peut retenir qu’en se prononçant sur les questions relatives à la liberté d’expression protégée à l’article 9§2 de la Charte, la Commission et la Cour africaine ont adopté en général une tendance plutôt très libérale. S’il est vrai que l’approche des deux organes était plutôt timorée dans les années initiales de leur jurisprudence, le tendance libre-échangiste a fini par s’imposer. En ce qui concerne plus particulièrement la jurisprudence de la Cour, son penchant général pour le libre échange apparaît dès ses premières décisions rendues au fons. La remarque notable qui s’impose est que la Commission africaine s’est positionnée et confirmée comme le premier ‘partenaire commercial’ de la Cour. L’inverse commence à prendre forme puisque dans la décision Nkusi citée supra et rendue par la Commission en 2015 sur la liberté d’expression, elle fait mention expresse de l’arrêt Konaté. Les Cours européenne et interaméricaine se disputent les places sur la liste des sources auxquelles la Cour renvoie non seulement dans l’arrêt Konaté mais dans la plupart de ses arrêts dès 2011.

Ensuite, même si la présente discussion fait un recours extensif aux terminologies de « commerce » et « d’échange », la pertinence de leur usage est discutable en tout cas en ce qui concerne la jurisprudence des organes africains de protection des droits de l’homme. On ne trouve en effet aucune référence à cette jurisprudence dans la pratique des juridictions internationales des droits de l’homme qu’elles soient onusiennes ou régionales.

Enfin, si l’on considère que par la portée de leur compétence matérielle, la Cour de justice de la CEDEAO, la Cour de justice d’Afrique de l’Est et le Tribunal de la SADC ont connu de quelques affaires relatives à la liberté d’expression en application ou non de la Charte, il pourrait être intéressant d’explorer dans quelle mesure ces juridictions ont fait recours à des précédents étrangers.





[1] Juge à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ; Professeur émérite à l’Université de Carthage (Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis).
[2] Blaise Pascal, Pensées (1670) 347.
[3] Jean Morange, La liberté d’expression, Bruylant, 2009, p.1.
[4] Lauriane Josende, Liberté d’expression et démocratie : réflexion sur un paradoxe, Bruylant, 2010, Préface de Wanda Mastor. 
[5] Art. 11 de la Déclaration française des Droits de l’homme et du Citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi » ; Article 7 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen e 1793 : « Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la vole de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s’assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits. La nécessité d’énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme » ; Article 19 de la DUDH : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit » ;
[6] Par exemple : Article 31 de la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 : «  Les libertés d’opinion, de pensée, d’expression, d’information et de publication sont garanties. Ces libertés ne sauraient être soumises à un contôle prélable » ; Article 25 de la Constitution marocaine du 1er juillet 2011 : «  Sont garanties les libertés de pensée, d’opinion et d’expressionsous toutes ses formes. ». Article 12 de la Constitution de la Principauté d’Andorre « Sont reconnues les libertés d’expression, de communication et d’information … ».
[7] Article 19 du Pacte international sur les droits civils et politiques : « 1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.
2. Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
3. L'exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires:
a) Au respect des droits ou de la réputation d'autrui;
b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.
[8] Article 10 de la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations. 2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des 12 13 mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire » ; Article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples : « . Toute personne a droit à l'information.
Toute personne a le droit d'exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements » ; Article 13 de la Convention américaine des droits de l’homme : « 1.         Toute personne a droit à la liberté de pensée et d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, que ce soit oralement ou par écrit, sous une forme imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
            2.         L'exercice du droit prévu au paragraphe précédent ne peut être soumis à aucune censure préalable, mais il comporte des responsabilités ultérieures qui, expressément fixées par la loi, sont nécessaires:
  a.     Au respect des droits ou à la réputation d'autrui; ou
  b.     à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, ou de la santé ou de la morale publiques.
            3.         La liberté d'expression ne peut être restreinte par des voies ou des moyens indirects, notamment par les monopoles d'Etat ou privés sur le papier journal, les fréquences radioélectriques, les outils ou le matériel de diffusion, ou par toute autre mesure visant à entraver la communication et la circulation des idées et des opinions.
            4.         Sans préjudice des dispositions du paragraphe 2 ci-dessus, les spectacles publics peuvent être soumis par la loi à la censure, uniquement pour en réglementer l'accès en raison de la protection morale des enfants et des adolescents.
           5.         Sont interdits par la loi toute propagande en faveur de la guerre, tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse, qui constituent des incitations à la violence, ainsi que toute autre action illégale analogue contre toute personne ou tout groupe de personnes déterminées, fondée sur des considérations de race, de couleur, de religion, de langue ou d'origine nationale, ou sur tous autres motifs ».
[9] On peut citer, sur la liberté des médias, The Observer et Guardian Newspapers Ltd c/ Royaume Uni, arrêt du 26 novembre 1991, série A, no 216 (l’interdiction temporaire de publier ou de révéler des détails des mémoires Spycatcher, écrits par un ancien membre des Services de sécurité britanniques, et déjà publiés aux Etats-Unis, viole la liberté d’expression parce qu’elle n’est pas « nécessaire dans une société démocratique ») ; sur la protection de l’intérêt général, Open Door Counselling Ltd et Dublin Well Woman Centre Ltd c/ Irlande, arrêt du 29 octobre 1992, série A, no 246 (les restrictions imposées aux sociétés requérantes concernant la diffusion de renseignements pratiques aux femmes enceintes sur les possibilités de se faire avorter au Royaume-Uni violent l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, donc la liberté d’expression.
[10]Affaire Ayants droits de Feus Norbert Zongo, Abdoulaye Nikiema dit Ablasse, Ernest Zongo, Ilboudou et le Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples ; Requête N° 013/2011 ; Arrêt du 28/03/2014 ; http://fr.african-court.org/images/Cases/Judgment/Judgment%20Appl.013-2011%20Nobert%20Zongo%20v%20Burkina%20Faso-%20French.PDF
[11] Affaire Konaté c/ Burkina Faso, Requête 004/2013, arrêt du 5 décembre 2014 ; http://fr.african-court.org/images/Cases/Judgment/AFFAIRE.%20004-%202013%20-%20LOHE%20ISSA%20KONATE%20c.%20BURKINA%20FASO%20-%20FRENCH.PDF
[12] Voir Fabrice Hourquebie, ‘La réception des décisions étrangères’ in AHJUCAF Internationationalisation du droit, internationationalisation de la justice, 3e Congrès 21-23 juin 2010.
[13] Voir Marie-Claire Ponthoreau, ‘Le recours aux précédents étrangers par le juge constitutionnel’ Congrès de Viennes, Association internationale de droit constitutionnel (2004) http://www.iacl2014congress.com/fileadmin/user_upload/k_iacl2014congress/General_reports/Ponthoreau-RapportFR.pdf (consulté 5 mai 2016).
[14] Ponthoreau, op. cit. 8.
[15] Ponthoreau, op. cit. 1.
[16] Ponthoreau, op. cit. 3.
[17] Ponthoreau, op. cit. 7.
[18] Ponthoreau, op. cit. 4.
[19] Voir Guy Canivet, ‘Les influences croisées entre les juridictions nationales et internationales. Éloge de la « bénévolance » des juges’, Revue des sciences criminelles et de droit comparé, 2005, http://www.ahjucaf.org/Les-influences-croisees-entre,7177.html (consulté 6 mai 2016).
[20] Ponthoreau, op. cit. 3.
[21] Ponthoreau, op. cit. p. 2.
[22] Ponthoreau, op. cit. 16.
[23] Hourquebie, op. cit. p. 6.
[24] Voir Hourquebie, op. cit. p. 9.
[25] Ponthoreau, op. cit. 14-15.
[26] Voir en général Horace S. Adjolohoun, ‘The ECOWAS Court as a Human Rights Promoter ? Assessing Five Years of the Karaou Slavery Judgment’ (2013) 31(3) Netherlands Quarterly of Human Rights.
[27] Voir en général, Ludovic Hennebel et Arnaud Van Waeyenberge, « Réflexions sur le commerce transnational entre juges », in I. Hachez et al. (Dir) Les sources du droit revisitées, Anthemis, 2013 http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2211183 (consulté 5 mai 2016).
[28] Voir Hennebel et Van Waeyenberge, op. cit. p 13.
[29] Sur la question, voir Anne-Marie Slaughter, ‘A Typology of Transjudicial Communication’ (1994) 29 University of Richmond Law Review, p. 99.
[30] Hourquebie, op. cit. n 6.
[31] Voir Standford c/ Kentucky, 492 USA 361 (1989) et Roper c/ Simmons, 125 S.Ct. 1183, 2005.
[32] Voir en général Magnus Killander et Horace Adjolohoun, ‘International law and domestic human rights litigation in Africa: An introduction’ in Magnus Killander (ed.) International law and domestic human rights litigation in Africa (Pretoria University Law Press 2011) pp. 3-22.
[33] Killander et Adjolohoun, op. cit. pp. 3-22.
[34] Voir Marie-Claire Ponthoreau, op. cit. p 13.
[35] Media Rights Agenda et autres c/ Nigéria Communications 105/93, 128/94, 130/94 et 152/96 (2000) AHRLR 2000 (ACHPR 1998).
[36] Para 54.
[37] Paras 55-56.
[38] Para 57.
[39] Paras 71-75.
[40] Voir aussi, Observer et Guardian c/ Royaume-Uni (1991).
[41] Constitutional Rights Project and Others v Nigeria Communications 140/94, 141/94 et 145/95 (2000) AHRLR 227 (ACHPR 1999).
[42] Paras 37-44.
[43] Voir par exemple Lingens c/ Autriche (1986) ; Barthold c/ Allemagne (1995).
[44] Communication 275/2003, Article 19 v The State of Eritrea  94 (2007) AHRLR 73 (ACHPR 2007) 104-106.
[45] Amnesty International et autres c/ Soudan Communications 48/90, 50/91, 52/91, 89/93
(2000) AHRLR 297 (ACHPR 1999).
[46] Zegveld et un autre c/ Eritrée Communication 250/2002 (2003) AHRLR 85 (ACHPR 2003).
[47] Paras 78-80.
[48] Adoptée lors de sa 32e Session ordinaire tenue à Banjul, Gambie, du 17 au 23 octobre 2002.
[49] Ouko c/ Kenya Communication 232/99 (2000) AHRLR 135 (ACHPR 2000) para 59.
[50] Egyptian Initiative for Personal Rights and Interights c/ Egypt Communication 323/06 (2011) AHRLR 90 (ACHPR 2011) paras 254-255.
[51] Zimbabwe Lawyers for Human Rights et the Institute for Human Rights and Development c/ Zimbabwe Communication 293/2004 (2008) AHRLR 120 (ACHPR 2008).
[52] Les plaintes introduites devant la Commission africaine sont connues sous le vocable de « communications » aux termes des dispositions des articles 55 et 56 de la Charte africaine.
[53] Para 53.
[54] Ambard c/ A-G of Trinidad and Tobago (1936) 1 All ER 704 para 709.
[55] Voir entre autres, Ilesanmi c/ Nigéria Communication 268/03 (2005) RADH 52 (CADHP 2005) paras 38-40 ; Bakweri Lands Claims Committee c/ Cameroun Communication 260/02 (2004) RADH 37 (CADHP 2004) para 48.
[56] Agnès Uwimana-Nkusi et Saidata Mukabibibi c/ Rwanda Communication 426/12. La présente contribution ne cite aucun extrait de la décision de la Commission ni ne fait mention de ses paragraphes pertinents pour des raisons de confidentialité liée à la procédure devant cet organe. Une telle restriction était nécessaire étant donné que la publication de la décision n’a pas encore été autorisée par les organes politiques de l’Union africaine tel que prescrit aux termes des dispositions de l’article 59 de la Charte africaine.
[57] Communication 221/98 (2000) AHRLR 127 (ACHPR 1999).
[58] Communication 313/05.
[59] Requête 004/2013 Arrêt du 15 décembre 2014.
[60] Requête 013/2011 Arrêt du 28 mars 2014.
[61] Requête n° 29340/95 CEDH 1999-VI.
[62] Zongo, para 70.
[63] Traité révisé CEDEAO (1991).
[64] Zongo, paras 171-172.
[65] Zongo, para 174.
[66] Zongo, para 180.
[67] Zongo, para 183-185.
[68] Zongo, para 186.
[69] Zongo, para 187.
[70] Germany v Poland CGJ 255 (PCIJ 1928). Voir Zongo Réparations, para 20.
[71] Cantoral-Benavides c/ Pérou Arrêt u 3 décembre 2001 (Réparations et dépens). Voir Zongo Réparations Arrêt du 5  juin 2015, para 27.
[72] Voir Zongo Réparations, para 47, 48.
[73] Gabriel Shumba c/ Zimbabwe (Communication No. 288/04, 51e Session ordinaire).
[74] Communication 241/2001 (2003) AHRLR 96 (ACHPR 2003). Voir Zongo Réparations, para 106.
[75] Requête 001/2012, Ordonnance du 27 septembre 2013.
[76] Voir Konaté, para 46.
[77] Voir Konaté, para 70.
[78] Voir Konaté, para 92.
[79] Keun-Tae Kim c/ Corée, Communication 574/1994 Decision du 4 avril 2001, UN Doc. CCPR/C/71/D/ 819/1998 318. Voir Konaté, para 128.
[80] Observations générales no 34 du CDH.
[81] Kenneth Good c/ Botswana. Voir Konaté, para 129.
[82] Media Rights Agenda et autres c/ Nigéria. Konaté, para 133.
[83] Media Rights Agenda et autres c/ Nigéria. Konaté, Para 134.
[84] Zimbabwe Lawyers for Human Rights et autres c/ Zimbabwe. Konaté, para 149.
[85] Résolution sur l’adoption de la déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique.
[86] Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni, 13 juillet 1995, série A, n° 316-B. CEDH. Voir Konaté, para 154.
[87] Media Rights Agenda (ACHPR) ; Cumpana et Mazare c/ Roumanie (CEDH). Voir Konaté, para 156.
[88] Arrêt du 23 septembre 1998.
[89] Requête no 21040/02, arrêt du 10 août 2006
[90] Voir Konaté, paras 159-161.
[91] Voir Konaté, para 164.
[92] Requête no 001/2008 Arrêt du 15 décembre 2009.
[93] Requête no 001/2011 Arrêt du 26 juin 2012 para 61.
[94] Requête no 003/2011 Arrêt du 28 juin 2013.
[95] Elle renvoie notamment à l’arrêt Tanganyika Law Society et The Legal and Human Rights Centre c/ Tanzanie Requête no 09/2011 et Reverend Christopher Mitikila c/ Tanzanie Requête no 011/2011 (Affaire Mitikila), Arrêt du 14 juin 2013. Voir Arrêt Mkandawire para 38.1. Le renvoi à ses précédents est passé dans la tradition jurisprudentielle de la Cour comme le prouve au surplus la référence à l’arrêt Mitikila dans l’affaire Frank David Omary c/ Tanzanie Requête 001/2012 Arrêt du 28 mars 2014 para 99 (nature judiciaire des recours internes).
[96] Voir Arrêt Mkandawire para 38.2.
[97] Tanganyika Law Society et The Legal and Human Rights Centre c/ Tanzanie Requête no à09/2011 et Reverend Christopher Mitikila c/ Tanzanie Requête no 011/2011 (Affaire Mitikila), Arrêt du 14 juin 2013.
[98] La Cour cite notamment Jawara c/ Gambie, Cudjoe c/ Ghana (Commission africaine) ; Valesquez Rodriguez c/ Honduras (CIADH) ; Akdivar c/ Turquie (CEDH). Voir Arrêt Mitikila, para 82.1.
[99] La Cour se réfère principalement à Castañeda Gutman c/ Mexique et Baena Ricardo c/ Panama (CIADH) ; Media Rights Agenda et autres c/ Nigéria (Commission africaine).
[100] Voir Arrêt Frank David Omary Requête 001/2012 Arrêt du 28 mars 2014 para 99.
[101] Kenya Section of the International Court of Justice et autres c/ Kenya ; Anuak Justice Council c/ Ethiopie. Voir Omary, para 143-144.
[102] Elle renvoie notamment à l’arrêt Mkandawire sur l’épuisement des recours internes, voir Omary, para 142.
[103] Requête 003/2012 Arrêt du 28 mars 2014.
[104] Elle renvoie par exemple à Jawara concernant la question de l’épuisement des recours internes. Voir Chacha, para 27.
[105] En se penchant sur l’important du témoignage de la victime dans l’examen de l’affaire, elle renvoie à l’arrêt Loayza Tamayo. Voir Chacha, para 55.