mardi 18 septembre 2007

Bernard Kouchner s’en va-t-en guerre (Jeune Afrique N 2437)

Georges Bush avait en Tony Blair non seulement un supporteur dévoué mais surtout un porte-parole spécialisé dans l’art de devancer ses projets. Le vide laissé par Tony Blair a vite été comblé par le french doctor, Bernard kouchner. Cet ancien administrateur des Nations Unies au Kosovo a décidé de se mettre en avant sur tous les dossiers, notamment libanais, irakien et iranien qui préoccupent l'administration américaine.
L’ex ministre socialiste et actuel ministre des affaires étrangères de M. Sarkozy, qui avait été, en 2003 déjà, l’un des rares hommes politiques français à soutenir la guerre contre l’Irak Il s’est distingué ces derniers mois par des déclarations plus à droite que celles des responsables américains. Ainsi, lors d’un passage à Bagdad, s’est-il fait plus royaliste que le roi (américain) en appelant à la démission de Premier ministre Nouri al Maliki avant de se confondre en excuses pour cet élan passionnel.
Plus récemment, le 16 septembre, il a estimé, à propos du dossier nucléaire iranien et de la perspective d’aggravation des sanctions économiques décrétées par le Conseil de sécurité de l’Onu, que le monde devait « se préparer au pire », c’est-à-dire à la possibilité d’une « guerre » contre l’Iran.
Critiquée et contredite aussi bien par le secrétaire américain à la défense Robert Gates, que par le directeur général de l’AIEA, Mohamed El Baradei, ou encore par les ministres des affaires étrangères allemand et autrichien, cette déclaration fournit une preuve supplémentaire de la rupture avec la politique d’indépendance de la politique étrangère française par rapport à la politique étrangère américaine. Nicolas Sarkozy avait déjà laissé entendre, le 27 août dernier, que la crise autour du nucléaire iranien était « sans doute la plus grave qui [pesait] aujourd’hui sur l’ordre international ». La déclaration de Kouchner ne fait que confirmer l’alignement pur et simple de la France sur les thèses américaines. Ce genre de déclarations va-t-en guerre ne font en réalité que jeter de l’huile sur le feu, attiser les positions iraniennes, menacer la paix et la sécurité internationales et fournir, hélas, de bons arguments aux extrémistes de tous bords.

jeudi 17 mai 2007

Liban et Palestine : Double standard JEUNE AFRIQUE. N* 2398 – 2399. du 24/12/2006 au 06/01 2007


L’actualité a voulu que, durant ces derniers jours, les gouvernements libanais et palestinien soient contestés en même temps et que des appels à leur remplacement par des gouvernements dits d’union nationale soient lancés, bien que l’un et l’autre soient issus d’une majorité parlementaire démocratiquement élue et bien qu’ils n’aient pas été mis en minorité dans leurs parlements respectifs. Les deux peuples - libanais et palestinien - sont en raison de cette situation aux bords de la guerre civile

La similitude entre les deux situations, critiques vécue à Beyrouth et tragique vécue à Gaza, s’arrête là.

En effet, l’existence du gouvernement Siniora est mise en cause par un certain nombre de partis politiques libanais qui, ne pouvant renverser le gouvernement grâce aux procédures parlementaires, ont eu recours à des manifestations de rues et à des démonstrations populaires. Ce gouvernement résiste à la pression populaire grâce a l’appui extérieur dont il bénéficie auprès des puissances mondiales (Etats-Unis, Royaume Uni, France, Allemagne, Russie) et régionales (Arabie Saoudite, Egypte), Les soutiens du gouvernement libanais estiment que les procédures constitutionnelles sont le seul recours possible et condamnent les protestations de rue comme étant un coup de force, ou même une tentative de coup d’Etat, téléguidés de l’extérieur par Téhéran et Damas. Quant au gouvernement Henia (toujours désigné comme étant le « gouvernement Hamas » non le gouvernement palestinien), bien qu’élu démocratiquement à la suite d’élections dont le caractère honnête et loyal a été attesté par tous les observateurs étrangers est contestée par ceux-la même qui soutiennent le gouvernement libanais en raison de sa légitimité démocratique. Depuis son investiture par le Conseil législatif palestinien, le gouvernement palestinien est pris pour cible : toute aide internationale, provenant notamment des pays occidentaux et plus particulièrement de l’Union européenne, lui a été coupée pour le mettre dans l’incapacité de gouverner. Mme Rice et les bailleurs de fonds auxquels s’est joint M. Olmert, exigent la constitution d’un gouvernement d’union nationale à Gaza pour lever leur embargo et continuer les pourparlers en vue d’un règlement négocié de la question palestinienne.

C’est ce tableau surréaliste qui en train d’être peint dans ce « Grand Moyen Orient » appelé des vœux de Mme Rice. Le même argument, la légitimité démocratique, est utilisé pour justifier deux politiques diamétralement opposées. La politique du double standard ne gène plus personne et la démocratie, propulsée depuis la fin de La guerre froide comme norme de bonne conduite internationale, s’avère être une notion à géométrie variable selon qu’on se trouve d’un côté ou de l’autre … du Mont Liban .


jeudi 10 mai 2007

Le droit international à la croisée des chemins (Force du droit et droit de la force)

Il est de notoriété publique que la finalité première de tout ordre juridique consiste à réguler les rapports sociaux en veillant à en assurer le caractère pacifique, notamment en canalisant l’usage de la force et en veillant à la préservation du bon ordre (l’ordre public) dans la société. Cette fonction du droit est assurée soit par la prévention de tout acte individuel ou collectif susceptible de troubler la sécurité, la tranquillité ou la salubrité publiques, soit par la répression des crimes et délits. De ce fait, « la règle de droit est escortée en tant que de besoin, par la force publique ». Ainsi, tout ordre juridique repose sur une distinction fondamentale entre le recours légitime à la force, dont le monopole est détenu par la puissance publique, et le recours illégitime ou illicite à la force que la règle de droit prohibe et que la puissance publique sanctionne. Le droit pénal constitue de ce fait l’épine dorsale de tout ordre juridique digne de ce nom.

Cependant, l’ordre juridique international est profondément différent de ce schéma. En effet, pendant très longtemps le recours à la force était un « moyen légitime de mettre en œuvre la politique nationale ».

La première mise hors la loi de la guerre remonte au Pacte Briand-Kellog du 26 août 1928. Cependant, le Pacte Briand-Kellog ne prévoyait aucun mécanisme de contrôle et aucune sanction, ce qui réduisait sensiblement son efficacité. Ni le Pacte de la SDN, ni le Pacte Briand-Kellog n’ont pu éviter la montée des périls et le déclenchement de la Deuxième guerre mondiale

Ce n'est donc qu'avec l'adoption de la Charte des Nations Unies que se substitue au modèle westphalien, caractérisé par la force comme principale source de légitimité, le modèle onusien qui refuse toute légitimité de recours à la force et remplace le droit de la force par la force du droit. Dans la Charte le recours à la force sera non seulement interdit, mais en plus sanctionné. L'article 2§4 pose le principe en termes généraux « Les membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». Littéralement pris, l’article 2§4 de la Charte (et les travaux préparatoires le confirment), ne vise que la force armée. Cependant, la portée de l’interdiction est extrêmement étendue car elle concerne non seulement l’utilisation de la force, mais aussi, et c’est là un progrès révolutionnaire, la menace d’emploi de la force. Ainsi, ce petit paragraphe de la Charte dotait le droit international de ce qui lui a pendant très longtemps fait défaut et transformait fondamentalement sa nature.

Cependant, malgré cette interdiction quasi absolue de recourir à la force, la violence dans les relations internationales n’a pas disparu, et l’article 2§4 de la Charte a été souvent ignoré par les États.

Avec la fin de la guerre froide et le triomphe du multilatéralisme, une société internationale de droit a semblé émerger. Parmi ses principales manifestations il y a lieu de citer le renouveau de l’ONU avec la remise en marche du Conseil de sécurité, le rétrécissement des pouvoirs souverains des Etats, l’apparition de notions nouvelles (jusque là inconnues du droit international) comme la notion de droit d’assistance humanitaire, d’élections honnêtes et périodiques, d’Etat de droit, de démocratie ou de bonne gouvernance. De plus ont été créées des institutions judiciaires internationales nouvelles comme le tribunal international du droit de la mer, les tribunaux pénaux internationaux ad hoc et la Cour pénale internationale. Ainsi, des valeurs universelles comme la condamnation du génocide ou le respect de l’intégrité physique des individus ont été consacrées.

Aujourd’hui, le droit international « palpite au rythme du monde ». Il se trouve plus que jamais à la croisée des chemins, tiraillé entre la force et le droit, écartelé entre unilatéralisme et multilatéralisme. Suite à l’effondrement du monde bipolaire, l’état de grâce consécutif à l’entente retrouvée entre les deux superpuissances a laissé place au doute, au scepticisme et au désenchantement. Après avoir cru à l’émergence d’une véritable communauté internationale[, au triomphe du droit international et à sa primauté, enfin reconnue par tous, les internationalistes constatent aujourd’hui, désemparés et nostalgiques, que cet âge d’or du droit international est derrière lui et « qu’il faut soit rire du ridicule du droit international soit pleurer sa dépouille ». Une nouvelle crise du droit international s’est installée dès la première année de ce XXIème siècle. Elle se manifeste au double point de vue normatif et opérationnel par l’effritement de la force du droit (I) et par l’affirmation du droit de la force (II).

I – L’effritement de la force du droit

A/ L’érosion de l’idée de hiérarchie des normes

En droit international, il n’existe pas de hiérarchie formelle entre les sources, du moins celles qualifiées de principales, c’est-à-dire, les conventions internationales et la coutume. Celles-ci ont la même origine et sont la manifestation de la volonté des Etats. La doctrine et la jurisprudence sont unanimes pour reconnaître qu’en droit international nous sommes en présence d’une égalité des sources et qu’une coutume peut déroger à un traité et que le traité peut modifier la coutume ou les principes généraux de droit. Les espoirs de voir une hiérarchie des normes s’affirmer grâce à la consécration de la notion de jus cogens se sont évanouis (1). De même, les tentatives faites dans le sens d’une classification des actes illicites internationaux en fonction de leur gravité ont échoué, cette classification ayant été abandonnée dans le projet définitif de la CDI relatif à la responsabilité internationale (2).

B/ Le mauvais départ de la Cour pénale internationale
La CPI a connu dès sa naissance des difficultés importantes, qui se sont ajoutées aux faiblesses intrinsèques du Statut. C’est ainsi que le texte du Statut n’a pas été voté au terme de la Conférence des plénipotentiaires par 7 pays, dont deux membres permanents du Conseil de sécurité : Les Etats-Unis et la Chine. De même, des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, seule la France a apposé sa signature au bas de la Convention dès le premier jour. Le Royaume-Uni a attendu quelques mois pour le faire. La Russie a attendu quant à elle deux ans, alors que les Etats-Unis ne l’ont fait que le dernier jour sur décision du Président Clinton qui estima que la seule manière pour les Etats-Unis d’influencer l’évolution de la Cour et de protéger les fonctionnaires américains de poursuites infondées serait d’en signer le statut. Cependant, et suite à l’arrivée de Georges. W. Bush à la Maison blanche, l’administration américaine a saisi le 6 mai 2002, le Secrétaire général de l’ONU d’une communication, signée par le secrétaire d’Etat adjoint pour le contrôle des armements et la sécurité internationale, l’informant que « les Etats-Unis n’ont pas l’intention de ratifier le traité créant la Cour pénale internationale et qu’en conséquence, les Etats-Unis ne sont plus liés d’aucune manière aux buts et objectifs de ce texte » et qu’ils estiment « ne plus avoir d’obligation légale résultant de la signature intervenue le 31 décembre 2000 ».


II – L'installation du droit de la force


Avec la fin de la guerre froide, le Conseil de sécurité n’a pas retrouvé l’exercice de son monopole de la coercition armée. Ce dernier a été exercé dans un premier temps par certains États par délégation du Conseil (a). Dans un deuxième temps, le recours à la force a eu lieu sans même autorisation du Conseil (b).


CONCLUSION

L’effritement de la force du droit d’une part, l’usages illicite de la force d’autre part,, loin de renforcer la primauté du droit international ou des valeurs universelles telles que l’État de droit, le respect des droits de l’homme, n’ont fait qu’affaiblir l’ordre juridique international et la Charte des Nations Unies. La balance du droit et de la force penche désormais du côté de cette dernière.

Deux conceptions divergentes de la force et du droit s’affrontent :

- celle défendue par les Etats-Unis et leurs alliés, essentiellement le Royaume Uni, conception qui prône la force et qui s’inscrit dans une logique de « retour des temps du mépris ». Avec cette conception, nous assistons à une régression des principes fondateurs de l’ordre onusien : l’universalité, la souveraineté, l’égalité, la réciprocité et à un retour du colonialisme, de la politique de la canonnière, de la mission civilisatrice. Les idéaux proclamés dans la Charte des Nations Unies et dans toutes les déclarations adoptées par l’Assemblée générale ou par les institutions spécialisées ont éclaté. Une hyper puissance et quelques satellites opèrent dans le monde selon une logique impériale comme dans un désert du droit ou du moins en vertu d’un droit pensé et imposé par l’empire, « un droit interne à usage externe » qui n’est en réalité qu’une négation du droit international, de la multilatéralité, de la légitimité de l’ONU et de sa centralité. Ils se proclament justiciers et se libèrent du coup de tout scrupule.

- L’autre conception, majoritaire, s’attache à la force du droit international et prône le non recours à la violence, le règlement pacifique des différents internationaux, l’instauration de la paix par le droit, la lutte contre la pauvreté, le respect de droits de la personne humaine et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans le cadre d’un système centralisé dans lequel l’ONU est seule compétente pour décider de l’utilisation de la force.

Comment remédier à cet état de fait ?

De nombreux projets de réforme de la Charte des Nations Unis sont présentés, comme si le mal résidait dans la Charte. En cantonnant le rôle de cet organe principal de l’ONU à un rôle strictement humanitaire et en le réduisant à une simple chambre d’enregistrement du fait accompli, de la politique de la force et de l’ordre du plus fort, certaines grandes puissances ne font qu’accentuer le doute largement répandu quant à l’utilité et l’efficacité du droit international et la conviction que le droit international n’est qu’un droit de légitimation de rapports de force. Pour notre part, nous continuons à croire que la force du droit est toujours supérieure au droit de la force quelle que soit l’ampleur de cette force et quelles que soient les justifications du recours à la force. Les empires sont éphémères mais le droit leur survit.



mercredi 9 mai 2007

La banalisation de l’agression

Depuis la fin de la première guerre mondiale, le droit international s’est lentement, mais fermement, dirigé vers l’interdiction totale du recours à la force dans les rapports interétatiques. Cette progression a connu sa consécration dans la Charte des Nations Unies (article 2§7) qui prohibe non seulement l’utilisation de la force, mais aussi la menace de recourir à la force. Pour que cette prohibition soit effective, la Charte a chargé le Conseil de sécurité de veiller au maintien de la paix et de la sécurité internationales et l’a doté d’un pouvoir coercitif important et inédit « en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression » (Chapitre VII).

Définie par la résolution 3314 (XXIX) adoptée le 14 décembre 1974 par l’AG de l’ONU, l’agression inclut notamment« le bombardement, par les forces armées d’un État, du territoire d’un autre État, ou l’emploi de toutes armes par un État contre le territoire d’un autre État ».

Or; depuis que le Président Bush (père) a annoncé, en 1991, au lendemain de la première guerre contre l’Irak, l’avènement d’un nouvel ordre mondial fondé sur la suprématie du droit, c’est l’inverse qui s’est réalisé. La force du droit a cédé la place au droit de la force. C’est le défunt ordre mondial, celui de la canonnière, qui s’est réinstallé. Désormais, l’agression dirigée par un État contre la souveraineté d’autre État est redevenue un moyen normal de mise en œuvre de la politique internationale, une chose banale. Elle ne soulève plus ni condamnations, ni manifestations, ni indignations, aussi bien au sein des instances internationales (ONU et autres organisations), que parmi les composantes de la société civile internationale (ONG, partis, syndicats, intellectuels, etc.). L’agression, même lorsqu’elle est le fait de membres permanents du CS, est devenue un simple fait divers, à peine signalé par les dépêches des agences de presse. Voir Bagdad ou des villes afghanes bombardées, ou les villes palestiniennes pilonnées, ou encore certains États proférer des menaces de recourir à la force armée, voire même à l’arme nucléaire, contre l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Iran font désormais partie de la routine. Ils passent inaperçus et ne rencontrent plus que passivité et nonchalance.

La dernière agression, sous forme raids aériens dirigés le 8 janvier 2007, par les États-unis contre des positions supposées d’Al Qaida en Somalie[1], s’intègre dans ce cadre général. Peu de condamnations ou de protestations ont été élevées. Ni le Conseil de sécurité, ni l’Union africaine, ni la Ligue arabe n’ont réagi. Pourtant à voir le nombre des résolutions consacrées à la Somalie par le CS depuis 1992 à ce jour (Résolutions 733 (1992) du 23 janvier 1992, 1356 (2001) du 19 juin 2001 et1425 (2002) du 22 janvier 2002), on ne peut que rester perplexe. Pourtant la plupart d’entre elles, réaffirment l’attachement du Conseil de sécurité « à la souveraineté, à l’intégrité territoriale, à l’indépendance politique et à l’unité de la Somalie ». Peut être que les raids américains constituent une forme d’expression de cet attachement à la souveraineté de la Somalie !



[1] Le 9 décembre 1992 ; les EU avaient lancé en Somalie l’Opération Restore Hope pour venir au secours des victimes de la guerre civile dans ce pays, Cette opération s’est soldée d’un cuisant échec pour les EU.

mardi 8 mai 2007

Liban : de tutelle en tutelle In JENE AFRIQUE l’INTELLIGENT N° 2351

Province ottomane depuis 1516, attribuée, en 1920, en protectorat au

titre d’un mandat B de la SDN à la France, le Liban devint

officiellement un État indépendant en 1943. Il a été l’un des sept

membres fondateurs de la Ligue des États arabes et l’un des rares États

arabes fondateurs de l’ONU.

Pourtant, aussi bien en raison de sa situation géopolitique que de sa

composition ethnique et confessionnelle, le Liban, dont le régime repose

sur un subtil équilibre confessionnel consacré par le Pacte national, a

paru fragile et son indépendance vulnérable, si bien que lors de la

fondation de la Ligue des États arabes, l’État libanais a insisté pour

que soit adjointe au Pacte du Caire du 22 mars 1945 une annexe spéciale

sur le Liban et sur le respect de son indépendance. La création de

l’État d’Israël en 1947, est venue compliquer le tableau.

Depuis son indépendance, la politique libanaise n’a jamais pu se

débarrasser des interférences étrangères de ses voisins immédiats

(Syrie, Israël, Palestiniens), mais aussi plus lointains (Égypte, Iran,

Libye) ainsi que de celle de l’ancienne puissance protectrice (France)

ou encore de puissances installées en Méditerranée (États-Unis). Déjà en

1958, les navires américains débarquent à Beyrouth, à la demande du

président Camille Chamoun, dans le but de mettre fin à l’insurrection

qui oppose les partisans et les opposants à l’adhésion du Liban à la

République arabe unie proclamée entre l’Égypte et la Syrie. Depuis, la

souveraineté du Liban et son intégrité territoriale ont été constamment

violées. Ses décisions politiques ont été souvent dictées ou inspirées

par des puissances étrangères, chaque parti ou faction politique

s’appuyant sur le soutien apparent ou occulte d’un protecteur étranger.

Passant ainsi d’une tutelle à une autre et livré aux luttes entre ses

différents tuteurs, le Liban sombra dans une guerre qualifiée de civile

entre 1975 et 1990. Les accords de Taëf scellent la fin de la guerre,

mais légalisent aussi la présence militaire syrienne qui s’ajoute à la

présence militaire israélienne depuis 1978, dans le Sud-Liban. Le

Conseil de sécurité de l’ONU, malgré sa condamnation de l’occupation

israélienne par sa résolution 425, ne montrera aucune espèce de fermeté

pour que sa décision soit appliquée. En 2000, Israël est contraint de se

retirer du Sud-Liban sous l’effet de la résistance libanaise. À partir

de ce moment, il n’y avait plus de raisons pour que la présence syrienne

perdure. Les États-Unis, appuyés par la France, s’emploieront à obtenir

l’évacuation de l’armée syrienne et seront à l’origine de l’adoption par

le Conseil de sécurité de l’ONU de la célèbre résolution 1559 qui

constitue une immixtion dans les affaires intérieures libanaises.

La résolution 1559 sera le point de départ d’une nouvelle tutelle

franco-américaine sur le Liban. L’assassinat de Rafic Hariri sera une

occasion pour mettre le Liban sous contrôle international. Une

commission d’enquête présidée par le très controversé magistrat allemand

Detlev Mehlis est constituée par le Conseil de sécurité, dessaisissant

ainsi l’autorité judiciaire libanaise du dossier. Une cour

internationale est réclamée, y compris par des partis politiques et

hommes d’État libanais, pour juger les coupables. Tout dernièrement, et

suite à l’attentat abject qui a coûté la vie à Gebrane Tuéni, des

membres du gouvernement, dans une réunion officielle du Conseil des

ministres libanais, ont réclamé une enquête internationale et un procès

devant une juridiction internationale des coupables des treize attentats

qui ont frappé des personnalités emblématiques du monde de la politique

et des médias au Liban. Ce dernier épisode a provoqué une énième crise

ministérielle dans le pays du Cèdre.

Durant tous ces événements, l’indépendance du Liban et sa souveraineté

sont souvent mis en exergue par les uns et par les autres. Or,

malheureusement, chaque nouvel événement ne fait que remplacer une

tutelle par une autre et hypothéquer l’indépendance de ce pays et la

souveraineté d’un peuple ouvert, généreux et divers.

* Rafaâ Ben Achour, universitaire tunisien, est ancien secrétaire d’État

à l’Éducation, ancien président de l’université de Tunis-II et ancien

secrétaire général de l’Académie internationale de droit constitutionnel.

© Jeuneafrique.com 2006

Qui croit encore en l'ONU ?

JEUNE AFRIQUE

N 2415 du 20 au 29 avril 2007

Créée au lendemain de la deuxième guerre mondiale, l’ONU a porté pendant la deuxième moitié du XXè siècle les espoirs des peuples aspirant à la liberté, à l’émancipation du joug colonial et au développement économique et social. Les buts et principes affirmés dans la Charte de San Francisco, tels que l’interdiction du recours à la menace ou à l’emploi de la force, l’instauration de relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et leur droit à disposer d’eux-mêmes, la résolution des problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et encourageant le respect des droits de l’homme et les libertés fondamentales, marquaient une rupture historique avec le passé.

Malgré des imperfections et des ratées, l’ONU a pu agir sur le cours des relations internationales et changer la physionomie de la société internationale en mettant notamment fin au colonialisme, en s’engageant dans la lutte contre le sous développement, bref en introduisant un peu plus de justice et de démocratie dans le monde. Un rôle primordial a été rempli dans ce sens par l’Assemblée générale et à un degré moindre par le Conseil économique et social.

Avec la fin de la guerre froide, on a cru à un renouveau de l’ONU, notamment en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, grâce au déblocage du Conseil de sécurité. Le Secrétaire général, Boutros Boutros-Ghali, congédié par les Américains pour avoir manifesté une toute relative indépendance, a élaboré trois agendas (pour la paix, pour le développement et pour la démocratie) qui devaient marquer le nouveau départ de l’Organisation mondiale. Mais la déception et le désenchantement ont été rapides. Le Conseil de sécurité, organe oligarchique et inégalitaire, a très vite été transformé en machine de guerre aux ordres et au service des Etats-Unis, ou a été réduit à un rôle de spectateur incapable d’assumer ses responsabilités ou encore en chambre d’enregistrement appelé à valider a posteriori des actions unilatérales dont l’illégalité est flagrante. L’Assemblée générale a été totalement marginalisée. Plus rien ne s’y passe. Le Conseil économique et social est toujours là, mais on se demande vraiment ce qu’il fait d’utile. Le nouveau Conseil des droits de l’homme ne fait que perpétuer sa devancière Commission. Le Secrétaire général, Ban Ki-Moon n’a aucun charisme et ne fait, comme son prédécesseur Kofi Annan, que dupliquer les déclarations de Mme Rice, la secrétaire d’État américaine. Le Conseil de sécurité s’acharne contre l’Iran et laisse faire l’Inde et la Corée du Nord. Lorsque Israël attaque le Liban, il attend 33 jours pour se réveiller, mais adopte une résolution 1701 scélérate. Les bombardements quotidiens en Afghanistan et en Iraq ne l’impressionnent pas outre mesure. L’intervention éthiopienne en Somalie ne le dérange pas. La réforme du Conseil de sécurité n’est pas prête de voir le jour, puisque les détenteurs des privilèges sont ceux la mêmes à qui on demande d’abolir les privilèges. Les membres non permanents du Conseil de sécurité, censés redresser quelque peu la balance, sont l’objet de pressions et de menaces et votent tout ce qu’on leur demande de voter. Les guerres et les destructions font rage aux quatre coins du monde. La pauvreté, l’analphabétisme, la malnutrition, le manque d’eau s’aggravent ; les maladies, qu’on croyait éradiquées, réapparaissent, le HVI-SIDA emporte chaque jour un peu plus de vies humaines ; le nombre de réfugiés, demandeurs d’asile et déplacés se multiplie et les organisations, comme le HCR, le PAM ou l’UNRWA ne font que constater les dégâts et déplorer le manque de moyens. Même la CIJ a rejoint les rangs avec son dernier arrêt blanchissant la Serbie du génocide de Srebrenica !

Tel est le triste visage que présente l’ONU aujourd’hui. Elle est totalement discréditée. Plus personne n’y croit. Même ceux qui l’utilisent et y recourent quand ça les arrange, sont les premiers à la dénigrer et à ne pas croire en elle.



* Juriste universitaire tunisien