Malgré le
vote favorable de 14 de ses membres, le Conseil de sécurité de l’ONU a été,
encore une fois, bloqué par un veto américain opposé à un projet de résolution,
présenté par l'Egypte, sur le statut de Jérusalem, en raison d'un veto des
Etats-Unis[1]. Il
s’agit là du 43ème veto utilisé par les Etats-Unis contre un projet de
résolution, relatif à la situation au Proche Orient de manière générale, et à la
question palestinienne de manière particulière[2]. Le
premier veto américain sur ces questions remonte au 10 septembre 1972 : il
a été opposé à un projet de résolution condamnant Israël pour violation du
cessez le feu de 1967 et l’attaque de l’armée israélienne contre le sud
Liban.
Dans le projet rejeté le 18 décembre 2007, il était
affirmé que :
« [t]oute
décision et action qui visent à modifier le caractère, le statut ou la
composition démographique de la Ville sainte de Jérusalem n'ont aucun effet
juridique, sont nulles et non avenues et doivent être rapportées en application
des résolutions [du Conseil de sécurité sur la question]».En fait, ce projet de
résolution n’avait rien d’original et ne faisait que reprendre, quasiment dans
les mêmes termes plusieurs résolutions antérieures du CS, dont les résolution
n°476 (1980) et 478 (1980) du, adoptée avec l’abstention des EU.
Le projet
de résolution demandait également à tous les États de s'abstenir d'établir des
missions diplomatiques à Jérusalem, en application de la résolution 478 (1980).
Le texte exigeait des Etats qu'ils respectent les résolutions du Conseil
concernant la Ville sainte et s'abstiennent de reconnaître les actions et les
mesures qui y sont contraires.
Chargé par la Charte « [d]'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation », et
doté de « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales » et habilité
par tous les membres de l’ONU à agir « en
leur nom », le Conseil de sécurité se trouve
ainsi bloqué et incapable d’assurer ses charges constitutionnelles.
Est-ce à dire que la partie est terminée et qu’il n’y a plus rien à
faire sinon d’établir un constat d’échec. Le recours à l’Assemblée générale
est-il envisageable ?
Rappelons tout d’abord les dispositions pertinentes de la Charte.
L'article 12§1 de la Charte dispose que :
«Tant que le Conseil de sécurité
remplit, à l'égard d'un différend ou d'une situation quelconque, les fonctions
qui lui sont attribuées par la présente Charte, l'Assemblée générale ne doit
faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à moins que le
Conseil de sécurité ne le lui demande».
Il ressort de cet article que bien que la Charte n'ait pas institué
de hiérarchie entre les organes principaux des Nations Unies, il est
généralement admis que l'article 12§1 établit la prééminence du Conseil sur l'Assemblée
générale dans le domaine de la paix et de la sécurité internationales. Cependant,
cette disposition n’établit aucune restriction quant à l’étendue des
compétences de l'Assemblée. Elle lui interdit seulement de présenter des
recommandations sur un différend ou une situation tant que le Conseil remplit à
leur égard «les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte», «à
moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande».
C’est sur la base de cette interprétation des dispositions
pertinente de la Charte qu’a été adoptée la célèbre résolution n°377 (V) du 3
novembre 1950, « Union pour le maintien de la paix », connue plus
généralement sous la dénomination « résolution Achesson » du nom du
Secrétaire au département d’Etat américain, Dean Achesson, qui en a été
l’inspirateur.
Dans
son préambule, énonce les principes sur lesquels se fonde l'Assemblée pour
affirmer ses compétences. C’est ainsi que l’AG :
« Réaffirmant qu’il
est important que le Conseil de sécurité s’acquitte de sa responsabilité
principale dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, et
qu’il est du devoir des membres permanents d’essayer de parvenir à l’unanimité
et de ne recourir qu’avec modération au veto ;
Persuadée que, si le
Conseil de sécurité manque à s’acquitter des fonctions qui lui incombent au nom
de tous les Etats membres […], il n’en résulte pas que les Etats membres soient
relevés de leurs obligations, ni l’Organisation de sa responsabilité aux termes
de la Charte en matière de maintien de la paix et de la sécurité
internationales
1 - Décide que, dans
tout cas où paraît exister une menace contre la paix, une rupture de la paix ou
un acte d'agression et où, du fait que l'unanimité n'a pas pu se réaliser parmi
ses membres permanents, le Conseil de Sécurité manque à s'acquitter de sa
responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la sécurité
internationales, l'Assemblée examinera immédiatement la question afin de faire
aux membres les recommandations appropriées sur les mesures collectives à
prendre, y compris, s'il s'agit d'une rupture de la paix ou d'un acte
d'agression, l'emploi de la force armée en cas de besoin, pour maintenir ou
rétablir la paix et la sécurité internationales. Si l'Assemblée ne siège pas à
ce moment, elle pourra se réunir en session extraordinaire d'urgence dans les
vingt-quatre heures qui suivront la demande présentée à cet effet ».
Ainsi, le blocage du CS ne met pas un terme à la nécessité pour
l’ONU de continuer le processus de prise de décision. C’est à l’organe plénier
de l’Organisation mondiale que revient alors la tâche de combler la carence du
CS, soit en se réunissant immédiatement si elle est en session, soit en
convoquant une session extraordinaire d’urgence dans les vingt-quatre heures
qui suivront la demande présentée à cet effet.
La pratique de l’AG est abondante, bien que mesurée en la matière[3].
La dixième session extraordinaire d’urgence réservée à la question des
territoires palestiniens occupés s’est ouverte en 1997 et est restée ouverte à
ce jour.
Ainsi, en dépit du fait que le CS n’ait pas pu se prononcer sur la
proclamation Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et d’y
déplacer l’ambassade américaine, c’est à l’AG de se prononcer sur cette
question. La dixième session extraordinaire d’urgence a été convoquée à se
tenir de nouveau à cet effet pour le jeudi 21 décembre 2017. L’adoption d’une
résolution par l’AG marquera la réponse de la quasi-unanimité de la Communauté
internationale au défi du Président américain.
[2] Centre d’actualités des Nations Unies.
Moyen-Orient : le Conseil de sécurité échoue à adopter
une résolution sur Jérusalem. http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=40677&Cr=J%E9rusalem&Cr1=#.WjlRExnhBPY
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9e
session - Territoires arabes occupés (29 janvier au 5 février 1982) ;
Convoquée par le Conseil de sécurité.
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8e
session – Namibie (13 - 14 septembre 1981 ; Convoquée par le Zimbabwe.
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7e
session – Palestine (22 au 29 juillet 1980 ; 20 au 28 juillet 1982 ;
25 - 26 juin 1982 ; 16 au 19 août 1982 ; 24 septembre 1982). Convoquée par le
Sénégal.
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6e
session – Afghanistan (10 au 14 janvier 1980) ; Convoquée par le
Conseil de sécurité.
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5e
session - Moyen-Orient (17 au 18 juin 1967) ; Convoquée par le Conseil de
sécurité.
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4e
session - Question du Congo (17 au 19 septembre 1960) ; Convoquée par le
Conseil de sécurité.
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3e
session - Moyen-Orient (8 au 21 août 1958) ; Convoquée par le Conseil
de sécurité.
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2e
session – Hongrie. (4 au 10 novembre 1956) ; Convoquée par le Conseil
de sécurité.
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1e
session - Moyen-Orient (1 au 10 novembre 1956) ; Convoquée
par le Conseil de sécurité.
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