Une fois n’est pas coutume. Les résolutions portant condamnation d’Israël, notamment pour ses diverses activités contraires au droit international dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, y compris dans Jérusalem-Est, ne sont pas légion.
Habituellement, chaque projet de résolution contre Israël, même rédigé en termes très généraux et très «courtois» à l’égard de la puissance occupante en Palestine, bute sur le vote négatif de l’un des membres permanents du Conseil de sécurité, inconditionnel de l’Etat hébreux : Les Etats-Unis et ce, quelle que soit l’administration en place à Washington (démocrate ou républicaine).
Le 23 décembre 2016, la salle du Conseil de sécurité du palais de verre de Manhattan, a connu un mini séisme, suite à l’adoption par le Conseil de sécurité, par 14 voix pour, 0 contre et une abstention, de la Résolution 2334. Dans cette résolution, l’organe principal de l’ONU, en charge de la paix et de la sécurité internationales, «[R]éaffirme que la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit et constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable». Il «[E]xige de nouveau d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et respecte pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incombent à cet égard».
Cet évènement, rare, nous en rappelle un autre, comparable. Il a eu pour scène le même lieu, il y a de cela 28 ans, lorsque le Conseil de sécurité adopta, lors de sa 21615è séance, également par 14 voix pour, 0 contre et une abstention, la Résolution N° 573 (1985) du 4 octobre 1985,dans laquelle il « [C]ondamne énergiquement l’acte d’agression armé perpétré par Israël contre le territoire tunisien, en violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit et des normes de conduite internationaux».
Aucune de ces deux résolution n’aurait pu être considérée comme adoptée sans l’abstention du même membre permanent du Conseil de sécurité (les Etats-Unis), car comme cela est bien connu, et en vertu de l’article 27 § 3 de la Charte « les décisions du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents ». En vertu d’une coutume bien établie au sein du Conseil de sécurité depuis 1948, l’abstention d’un membre permanent n’équivaut pas à un vote négatif (véto) et n’empêche pas l’adoption de la résolution.
Le projet de résolution avait été initialement présenté le 21 décembre par l’Egypte. Mais le Président élu des Etats-Unis, Donald Trump, aurait intervenu auprès du Président égyptien Essisi afin que l’Egypte retire son projet. Voulant éviter d’altérer ses relations avec le nouveau Président américain, le Président Essisi a retiré son projet. Mais l’idée n’a pas été enterrée pour autant. En effet, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, le Sénégal et le Venezuela ont repris à leur compte le projet et l’ont soumis au CS.
Quelle est la teneur de la Résolution 2324 (I) et quelle est sa portée (II).
I – Teneur de la Résolution 2334 (2016)
Il y a lieu d’évoquer le préambule (1), ensuite le dispositif (2).
1 – Le Préambule
Tout d’abord, et comme toujours, le CS commence par rappeler ses résolutions antérieures en liaison avec la question examinée. A ce propos, il fait référence entre autres à ses célèbres résolutions 242 (1967) et 338 (1973) réaffirmant ainsi implicitement l’inadmissibilité de l’acquisition des territoires par la force et rappelant « [q]ue la politique et les pratiques israéliennes consistant a établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 n`ont aucune validité en droit et font gravement obstacle à l'instauration d'une paix générale, juste et durable au Moyen-Orient ».
Par la suite, le CS réaffirme le statut d’Israël en tant que « Puissance occupante » sur laquelle pèsent des obligations et des responsabilités internationales en vertu du droit international humanitaire , obligations et responsabilités mise en évidence par la Cour internationale de justice dans son avis du 9 juillet 2004 sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé.
Comme conséquence de ces rappels, le CS condamne «toutes les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut du Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, notamment la construction et l’expansion de colonies de peuplement, le transfert de colons israéliens, la confiscation de terres, la destruction de maisons et le déplacement de civils palestiniens, en violation du droit international humanitaire et des résolutions pertinentes ».
Se plaçant dans la logique de la feuille de route du quatuor relative à la situation sur le terrain, la résolution 2324 entérine la solution des deux Etats «[d]émocratiques, Israël et la Palestine, viv[a]nt côte à côte, en paix, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues » et constate « [a]vec une vive préoccupation que la poursuite des activités de peuplement israéliennes met gravement en péril la viabilité de la solution des deux États fondée sur les frontières de 1967 ». Elle souligne que «[q]ue le statu quo n’est pas viable et que des mesures importantes, compatibles avec le processus de transition prévu dans les accords antérieurs, doivent être prises de toute urgence en vue de i) stabiliser la situation et inverser les tendances négatives sur le terrain, qui ne cessent de fragiliser la solution des deux États et d’imposer dans les faits la réalité d’un seul État, et de ii) créer les conditions qui permettraient d’assurer le succès des négociations sur le statut final et de faire progresser la solution des deux États par la voie de négociations et sur le terrain ».
Cependant, le préambule ne manque pas de se prêter à un exercice d’équilibrisme en évoquant, à la demande de la France et des Etats-Unis, en condamnant « [t]ous les actes de violence visant des civils, y compris les actes de terreur, ainsi que tous les actes de provocation, d’incitation à la violence et de destruction » et rappelle «[ l]’obligation faite aux forces de sécurité de l’Autorité palestinienne dans la Feuille de route du Quatuor de continuer de mener des opérations efficaces en vue de s’attaquer à tous ceux qui se livrent à des activités terroristes et de démanteler les moyens des terroristes, notamment en confisquant les armes illégales».
2 – Le dispositif
Le dispositif de la Résolution 2334 est très clair dans son rejet des colonies de peuplement établies par Israël depuis 1967. Celles-ci sont internationalement illicites: Elles n’ont «[a]ucun fondement en droit et constitue[nt] une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable».
Le CS « exige » d’Israël de mettre un terme à l’implantation des colonies et avertit la puissance occupante qu’il ne reconnaîtra aucune modification des frontières du 4 juin 1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem et demande aux Etats membres de l’ONU de considérer que tous les territoires annexés après le 4 juin 1967 ne font pas partie du territoire de l’Etat d’Israël.
Dans le paragraphe 6, le CS «[D]emande que des mesures immédiates soient prises pour prévenir tous les actes de violence visant des civils, y compris les actes de terreur, ainsi que tous les actes de provocation et de destruction, demande que les auteurs de tels actes en répondent, et appelle au respect des obligations qu’impose le droit international de renforcer l’action menée pour lutter contre le terrorisme, notamment par la coordination en matière de sécurité, et de condamner sans équivoque tous les actes de terrorisme».
Enfin dans les paragraphes suivants, la résolution appelle au règlement pacifique du conflit notamment par la réalisation des la solution des deux Etats.
II – Portée de la résolution 2334
Chaque résolution du CS reconnaissant les droits des Palestiniens sur les territoires occupés par Israël depuis 1967 est importante et consolide en droit leur position. Il ne faut donc pas minimiser ce genre de résolution émanant de la plus haute autorité internationale et la considérer comme un non évènement.
Cette résolution est d’autant plus importante qu’elle est obtenue suite à l’absence d’opposition des Etats-Unis. Elle vient consolider une série de résolutions antérieures et confirmer qu’une puissance occupante n’a aucun droit sur les territoires occupés. Son rôle est un rôle d’administration conformément aux dispositions pertinentes du droit international humanitaire. Comme l’affirme la CIJ « L'ensemble de ces territoires (y compris Jérusalem-Est) demeurent des territoires occupés et Israël y a conservé la qualité de puissance occupante ».
Si la résolution 2334 n’est qu’un non évènement, Israël ne serait pas mobilisé pour la dénoncer et pour exprimer autant d’amertume en considérant son adoption comme un « coup honteux ». Israël s’en est pris aux Etats-Unis qui les auraient « abandonnés ». La déléguée américaine au CS, Samantha Power, a pourtant affirmé que les EU ne soutenaient pas la résolution, mais que leur abstention était justifiée par la continuité de la position américaine opposée aux colonies et favorable à la solution des deux Etats. Pour elle, Israël doit faire un choix entre les colonies et la séparation avec les Palestiniens. Avant son départ, le Président Obama a semble t-il voulu se démarquer de son engagement en faveur de l’Etat hébreux.
Le Président élu des EU a de son côté exprimé son hostilité à cette résolution et promis qu’après le 20 janvier, date de son entrée en fonction, l’ONU allait changer!
Les pays arabes et plusieurs pays ont favorablement accueilli la résolution. Côté palestinien, la résolution n’apporte rien de concret ; et ce n’est pas son adoption qui changera la donne sur le terrain. Les colonies continueront à pousser malgré la résolution 2334. Cependant, la résolution conforte la position palestinienne et renforce politiquement et juridiquement l’Autorité palestinienne. Ce n’est pas là un résultat négligeable. Lorsqu’en 1985, la Résolution N° 573 avait été adopté nous en avions tiré une immense satisfaction morale. Aujourd’hui, c’est le même sentiment que nous éprouvons suite à l’adoption de la 2334.
Pr. Rafâa Ben Achour
1- « Rappelant ses résolutions sur la question, notamment les résolutions 242 (1967), 338 (1973), 446 (1979), 452 (1979), 465 (1980), 476 (1980), 478 (1980), 1397 (2002), 1515 (2003) et 1850 (2008) »
2- Quatrième Convention de Genève du 12 août 1949
3- Etats-Unis, Russie, Union européenne et ONU
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