JEUNE AFRIQUE
N 2415 du 20 au 29 avril 2007
Créée au lendemain de la deuxième guerre mondiale, l’ONU a porté pendant la deuxième moitié du XXè siècle les espoirs des peuples aspirant à la liberté, à l’émancipation du joug colonial et au développement économique et social. Les buts et principes affirmés dans la Charte de San Francisco, tels que l’interdiction du recours à la menace ou à l’emploi de la force, l’instauration de relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et leur droit à disposer d’eux-mêmes, la résolution des problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et encourageant le respect des droits de l’homme et les libertés fondamentales, marquaient une rupture historique avec le passé.
Malgré des imperfections et des ratées, l’ONU a pu agir sur le cours des relations internationales et changer la physionomie de la société internationale en mettant notamment fin au colonialisme, en s’engageant dans la lutte contre le sous développement, bref en introduisant un peu plus de justice et de démocratie dans le monde. Un rôle primordial a été rempli dans ce sens par l’Assemblée générale et à un degré moindre par le Conseil économique et social.
Avec la fin de la guerre froide, on a cru à un renouveau de l’ONU, notamment en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, grâce au déblocage du Conseil de sécurité. Le Secrétaire général, Boutros Boutros-Ghali, congédié par les Américains pour avoir manifesté une toute relative indépendance, a élaboré trois agendas (pour la paix, pour le développement et pour la démocratie) qui devaient marquer le nouveau départ de l’Organisation mondiale. Mais la déception et le désenchantement ont été rapides. Le Conseil de sécurité, organe oligarchique et inégalitaire, a très vite été transformé en machine de guerre aux ordres et au service des Etats-Unis, ou a été réduit à un rôle de spectateur incapable d’assumer ses responsabilités ou encore en chambre d’enregistrement appelé à valider a posteriori des actions unilatérales dont l’illégalité est flagrante. L’Assemblée générale a été totalement marginalisée. Plus rien ne s’y passe. Le Conseil économique et social est toujours là, mais on se demande vraiment ce qu’il fait d’utile. Le nouveau Conseil des droits de l’homme ne fait que perpétuer sa devancière Commission. Le Secrétaire général, Ban Ki-Moon n’a aucun charisme et ne fait, comme son prédécesseur Kofi Annan, que dupliquer les déclarations de Mme Rice, la secrétaire d’État américaine. Le Conseil de sécurité s’acharne contre l’Iran et laisse faire l’Inde et la Corée du Nord. Lorsque Israël attaque le Liban, il attend 33 jours pour se réveiller, mais adopte une résolution 1701 scélérate. Les bombardements quotidiens en Afghanistan et en Iraq ne l’impressionnent pas outre mesure. L’intervention éthiopienne en Somalie ne le dérange pas. La réforme du Conseil de sécurité n’est pas prête de voir le jour, puisque les détenteurs des privilèges sont ceux la mêmes à qui on demande d’abolir les privilèges. Les membres non permanents du Conseil de sécurité, censés redresser quelque peu la balance, sont l’objet de pressions et de menaces et votent tout ce qu’on leur demande de voter. Les guerres et les destructions font rage aux quatre coins du monde. La pauvreté, l’analphabétisme, la malnutrition, le manque d’eau s’aggravent ; les maladies, qu’on croyait éradiquées, réapparaissent, le HVI-SIDA emporte chaque jour un peu plus de vies humaines ; le nombre de réfugiés, demandeurs d’asile et déplacés se multiplie et les organisations, comme le HCR, le PAM ou l’UNRWA ne font que constater les dégâts et déplorer le manque de moyens. Même la CIJ a rejoint les rangs avec son dernier arrêt blanchissant la Serbie du génocide de Srebrenica !
Tel est le triste visage que présente l’ONU aujourd’hui. Elle est totalement discréditée. Plus personne n’y croit. Même ceux qui l’utilisent et y recourent quand ça les arrange, sont les premiers à la dénigrer et à ne pas croire en elle.
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